Le théâtre de boulevard
« Le comique, c'est l'art de se moquer du malheur des autres sans méchanceté. »
Eugène Labiche
Le théâtre de boulevard est un genre né au XIXe siècle, d'abord sur les boulevards parisiens où l'on jouait des spectacles variés comme des mélodrames et des comédies légères. Il a connu son apogée avant la Seconde Guerre mondiale, avec des œuvres tantôt comiques, tantôt sérieuses. Aujourd'hui, le boulevard est surtout un théâtre de divertissement, visant un public bourgeois avec des histoires simples et sans surprises.
Les pièces de boulevard reposent sur des intrigues bien construites mais conformistes, souvent centrées sur des situations classiques comme les triangles amoureux. Elles abordent des thèmes légers qui ne remettent pas en cause les valeurs établies, tout en utilisant l'humour pour séduire le public. Le style de jeu est exagéré, avec des acteurs qui adoptent des comportements reconnaissables et rassurants pour les spectateurs.

Le boulevard du Temple en 1838
Histoire
Le début (1759-1789)
À la fin du XVIIIe siècle, le boulevard du Temple à Paris devient un lieu de divertissement populaire avec des spectacles variés : feux d'artifice, pantomimes, marionnettes et petites comédies. Les théâtres des boulevards s'inspirent des foires et rivalisent avec les grands théâtres officiels comme la Comédie-Française, malgré des interdictions et des conflits constants. Ils proposent des spectacles simples et amusants, attirant un public populaire.
L'âge d'or (1789-1814)
Après la Révolution, les petits théâtres prospèrent grâce à la fin du monopole des grandes scènes. Ils offrent des mélodrames, des pantomimes spectaculaires et du vaudeville, mélange de comédie et de chansons. Le public rit, pleure et se divertit. Cependant, en 1807, Napoléon rétablit des restrictions, limitant le nombre de théâtres autorisés.
L'expansion (1814-1848)
Avec la Restauration, les théâtres des boulevards retrouvent leur liberté et se multiplient. La concurrence est intense, et les spectacles deviennent de plus en plus variés : comédies, parodies, drames romantiques et vaudevilles. Des auteurs comme Eugène Scribe connaissent un immense succès en écrivant des pièces adaptées au goût du public bourgeois.
L'âge mûr (1850-1914)
Le théâtre de boulevard devient un genre à part entière, proposant des comédies de mœurs et des drames sentimentaux. Les grands auteurs comme Labiche et Feydeau font rire le public avec des comédies de situations absurdes. Le divertissement devient plus raffiné et bourgeois, mais les spectacles populaires comme les farces et les pantomimes disparaissent.
Le déclin (1914-1945)
Avec la Première Guerre mondiale, le théâtre de boulevard commence à perdre de son éclat. Les sujets légers semblent déplacés face à la gravité de l'époque. Peu à peu, il se transforme en simple divertissement, avec des pièces légères et commerciales, marquant la fin d'une époque de grande créativité.Après la guerre, le pli est pris, et le glissement s'amorce vers ce que l'on appellera péjorativement le genre boulevardier : divertissement facile, repli sur des positions conservatrices, paresse intellectuelle et primauté absolue des impératifs commerciaux. C'est précisément contre ces facilités que Copeau, dès avant 1914, puis les metteurs en scène du Cartel, après 1920, mènent le combat.
Le grand âge (1945-...)
Après 1945, le mouvement de repli s'accentue, la sclérose s'étend, malgré les succès d'André Roussin, de Marcel Mithois, de Barillet et Grédy et ceux de Jean Anouilh, transfuge du théâtre littéraire. Le Boulevard ressasse inlassablement les mêmes vieilles recettes.
Thèmes dominants
L'argent et les personnages bourgeois jouent un rôle important dans le théâtre du Boulevard du 18ème au 20ème siècle. D'abord, les petites boutiques et commerçants y sont présents dès le début. Ensuite, à partir de la Révolution française, les nouveaux riches deviennent des figures centrales, souvent dépeints de manière ironique. Sous la Restauration, Eugène Scribe montre des bourgeois qui affichent leur richesse dans des salons opulents. L'argent devient un thème majeur, affectant les relations amoureuses et sociales, et servant de moteur aux intrigues.
Les pièces illustrent l'ascension sociale des nouveaux riches et leurs comportements, parfois ridicules, comme chez Eugène Labiche où les conférences tournent souvent autour de grosses fortunes. Au fil du temps, les nouveaux riches s'imposent dans le théâtre, représentant la société bourgeoise. Les thèmes d'amour, de mariage et d'adultère se mêlent à ceux de l'argent, récurrents dans les œuvres du Boulevard.
Des personnages comme Mme Angot montrent comment le théâtre reflète et critique les nouvelles vagues de richesse à travers les siècles, de manière burlesque ou sérieuse selon les auteurs. Le théâtre évolue pour inclure les nouvelles réalités sociales, tout en montrant comment l'argent influence les relations et les dynamiques sociales.
L'argent et l'amour sont deux thèmes centraux du théâtre de Boulevard, souvent reliés entre eux. Le Boulevard distingue deux types d'amour : l'amour-sentiment, souvent idéalisé dans le drame et la comédie de mœurs, et l'amour physique, traité de manière suggestive dans les comédies légères. Les auteurs de Boulevard, influencés par la société bourgeoise, restent cependant relativement prudes.
Les dramaturges de Boulevard héritent de la comédie classique en créant des intrigues où deux jeunes amoureux sont confrontés à divers obstacles, toujours résolus par un mariage à la fin. Cet amour innocent mène inévitablement à l'idée d'adultère, bien que ce dernier soit souvent traité avec humour et délicatesse dans les œuvres de Labiche et d'autres.
Dans les genres plus sérieux, les femmes demeurent fidèles jusqu'au début du 20ème siècle. Des pièces comme "La Parisienne" et "Amoureuse" montrent toutefois un changement avec des personnages féminins infidèles et des maris pardonnants. Cette évolution se poursuit à la Belle Époque, où l'adultère devient un thème récurrent, formant des triangles amoureux sur scène.
Son esthétique
Le théâtre de boulevard a constamment évolué en styles et en esthétiques, mais il a toujours gardé une caractéristique commune : le faux-semblant. Ce genre de théâtre cherche avant tout à divertir sans déranger ni choquer, en proposant des passions inoffensives et une morale conventionnelle. Les intrigues se terminent souvent sans conséquences, offrant un spectacle agréable mais sans profondeur réelle.
Au début, cette illusion était une partie intégrante du théâtre féerique et des mélodrames, avec des vaudevilles, des pantomimes, des farces et des parodies. Plus tard, en tentant de refléter la réalité de manière réaliste et psychologique, le Boulevard a développé une forme de "mise à côté" des personnages et des situations, les rendant légèrement faux et sans danger.
Plusieurs techniques sont utilisées pour maintenir cet éloignement : use des prétentions aristocratiques de la bourgeoisie, de la richesse et de l'élégance pour créer une identification agréable avec un monde idéalisé. Les mots d'auteur et la frivolité contribuent à cet effet, tout comme des personnages pittoresques et exotiques.
Aujourd'hui, le Boulevard continue à déformer la réalité, souvent par des caricatures, en choisissant des personnages de haut rang social mais en les réduisant à des stéréotypes petits-bourgeois. Le théâtre de boulevard semble revenir à ses origines petites-bourgeoises, avec des personnages petits commerçants confrontés à des problèmes modernes comme la drogue et l'homosexualité. Cette tendance est renforcée par des émissions de télévision qui popularisent ces succès boulevardiers.
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