Lieux scéniques au 18ème siècle
En France, il faut attendre la seconde moitié du XVIIIe siècle pour que s’affirme la construction de théâtres à l’italienne : jusque-là, en effet, les représentations de théâtre ou d’opéra continuaient d’avoir lieu, à de rares exceptions près, dans des jeux de paume aménagés en salles de spectacle. En 1748, dans la préface de Sémiramis, Voltaire s’insurge en ces termes contre une situation qu’il juge inconvenante :
Au XVIIIe siècle, sous l’influence des Lumières, la construction des théâtres devient un sujet de réflexion philosophique et politique. Des architectes et théoriciens comme Patte et Cochin critiquent la forme rectangulaire des salles françaises et le principe du "point de vue unique" du théâtre à l’italienne, qui privilégiait un spectateur idéal situé au centre.
Pour offrir une meilleure visibilité à un plus grand nombre de spectateurs, les nouvelles salles sont conçues en courbe (en U, en ellipse, en portion de cercle). Des théâtres comme l’Odéon (1782) ou le Grand Théâtre de Bordeaux (1780) illustrent cette évolution.
Malgré ces avancées, le XIXe siècle conserve une hiérarchisation des points de vue. Ce n’est qu’au XXe siècle que des metteurs en scène, comme Ariane Mnouchkine, expérimentent des lieux alternatifs (friches industrielles, hangars, Palais des Papes...).
À partir des années 1970, on réinterprète le théâtre à l’italienne en supprimant les courbes pour donner une vision plus homogène aux spectateurs et réduire la séparation entre scène et salle. L’architecte Guy-Claude François propose un nouveau modèle centré sur le point de l’acteur, favorisant un rapport plus direct entre comédiens et public
Au XVIIIe siècle, les réflexions sur les théâtres portent sur le problème de la visibilité, notamment pour les spectateurs placés sur les côtés. Pourtant, dans l’Antiquité ou au baroque, ces angles de vue avaient déjà été exploités avec succès. Les théoriciens critiquent surtout la forme rectangulaire des salles, sans remettre en question l’organisation de la scène elle-même.
À cette époque, la perspective est considérée comme le seul moyen valable de représenter l’espace, ce qui limite les innovations. C’est pourquoi les solutions proposées restent imparfaites ou utopiques, comme la scène tripartite imaginée par Voltaire. Ce dernier critique la règle de l’unité de lieu, qu’il juge trop contraignante. Selon lui, un décor efficace doit montrer plusieurs lieux à la fois (temple, palais, rues...), pour éviter les incohérences entre ce qui est dit et ce qui est vu.
Son idée rejoint le concept d’une scène divisée en trois espaces distincts, inspiré des décors de la Rome antique et du théâtre baroque. Ce modèle est repris par Cochin, qui propose une salle en ellipse avec un cadre de scène adapté.
Pierre Patte et la remise en question de la perspective
Au XVIIIe siècle, l’architecte Pierre Patte aborde, de manière implicite, la possibilité de remettre en cause la perspective dans le théâtre. Comme ses contemporains, il considère que la représentation théâtrale doit ressembler au réel, car le public doit être trompé par l’illusion du décor. Cependant, Patte va plus loin et constate que le relief réel sera toujours supérieur à une image peinte. Un décor en perspective ne fonctionne vraiment que d’un seul point de vue, tandis qu’un espace en volume paraît naturel sous tous les angles.
Il compare ainsi la scène théâtrale à un tableau plat, ce qui influence la façon dont les acteurs sont perçus et jouent. Au XVIIIe siècle, cette vision modifie le jeu des comédiens : leur corps devient une surface sans relief, perdant en présence et en expressivité. Cette tendance continue au XIXe siècle, où le dos des acteurs n’est plus travaillé dans leur jeu, réduisant leur présence physique sur scène.
Enfin, Patte soulève sans le savoir une contradiction : si le théâtre doit imiter la réalité, pourquoi utiliser un décor en deux dimensions alors que la nature est en trois dimensions ?
Ce questionnement ne trouvera de réponse que plus tard, au XXe siècle, avec les révolutions artistiques : le cubisme en peinture et la mise en scène moderne avec Craig et Appia, qui réinventent l’espace théâtral.
L'illusion de réalité au théâtre du XVIIIe au XXe siècle
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le principe de l'illusion de réalité s'impose progressivement comme but de la représentation théâtrale. La mimèsis vise à établir une ressemblance parfaite entre le réel et le visible. C'est au nom de ce principe que Voltaire critique les tragédies de Shakespeare, les qualifiant de "monstrueuses", et rejette toute représentation du surnaturel : "Il n’y a certainement pas plus de revenants que de magiciens dans le monde ; si le théâtre est la représentation de la vérité, il faut bannir également les apparitions et la magie."
L'évolution de la scène et du décor
L'affirmation de l'illusion de réalité entraîne plusieurs changements dans la mise en scène :
-
Les proportions du cadre de scène augmentent.
-
La séparation entre la scène et la salle est renforcée par les rideaux de scène, puis par l'usage de l'obscurité dans la salle au XIXe siècle.
-
Le décor devient une image de plus en plus réaliste, illustrant l'importance du théâtre bourgeois avec Beaumarchais.
Avec Le Mariage de Figaro (1781-1784), Beaumarchais intègre des didascalies précises sur les costumes, les décors et les déplacements des personnages, accentuant ainsi le réalisme.
Créez votre propre site internet avec Webador